Aux premières heures du jour, le port du Vivier-sur-Mer (35) bruisse déjà du son des machines à nettoyer et calibrer les moules, auquel s’ajoute, de temps à autre, le moteur d’un discret camion venu récupérer la cargaison du jour.

Dans le hangar n° 5, Hugo Cornée, cultivateur de moules de bouchot et président du comité de l’appellation d’origine protégée (AOP) de la baie du Mont-Saint-Michel, s’active. Avec son équipe, bottes aux pieds et combinaisons imperméables sur le dos, ils terminent de mettre en sac les commandes de moules. « On a déjà envoyé deux tonnes à 7 h et il nous en reste encore à faire ! », constate-t-il devant les conteneurs rouges remplis de filets de petits mollusques.

Un début de saison prometteur

Cette année, la surprise est bonne en début de saison : les moules sont particulièrement charnues, « entre 30 et 35 % de remplissage (de la coquille), souligne le mytiliculteur, bien supérieur à l’obligation du cahier des charges de l’AOP. On a un très, très beau produit ».

Tributaires du bon vouloir de la nature tout au long du processus de culture, les 69 exploitants de l’AOP de la baie et leurs centaines de salariés ont pu compter sur la météo cette année : les pluies importantes et le soleil qui arrive favorisent la formation de phytoplancton, dont les moules se nourrissent exclusivement, et donc leur belle taille.

Pourtant, le jeune homme ne sait pas encore sur quel pied danser pour le reste de la récolte. « Les rendements sont encore assez moyens. On a ensemencé tard parce qu’on craignait la prédation, donc les moules ont encore besoin de pousser. » Comprendre : les araignées de mer et les macreuses attaquent les précieux mollusques, décalant le moment de mise à l’eau et donc leur croissance.

Mais la conjoncture économique et météorologique pourrait les aider : si les ventes sont moyennes durant la saison touristique, le temps est donné aux mollusques de grandir et aux mytiliculteurs d’étaler dans le temps leurs ventes.

« Tout l’intérêt de la récolte de l’AOP réside dans le juste milieu entre qualité du produit, qui passe par une moindre production, mais une quantité suffisante pour que nous puissions en vivre », estime le président du comité, un œil sur l’avancée de l’empaquetage.

L’espoir d’une saison 2024 fructueuse

Combien de tonnes seront mises à la vente cette année ? Les exploitants comptent bien dépasser les 8 000 tonnes de 2023, « pas une très bonne année », euphémise Hugo Cornée.

Il faut dire que pour la saison 2024, les espoirs des mytiliculteurs de la baie sont grands : après l’année 2022, où la récolte avait été touchée par la sécheresse et les fortes chaleurs, la saison 2023 a vu ses résultats amputés de 20 à 30 % en raison de la très forte hausse de la prédation en mer. « En raison de la pause de la pêche liée au covid-19, les araignées de mer se sont énormément reproduites. Le changement climatique pourrait également jouer un rôle dans leur multiplication rapide. Quoi qu’il en soit, depuis trois ans, elles sont devenues le danger majeur pour notre récolte. » L’exploitant compte bien, dans les mois à venir, déjouer le mauvais sort et « pouvoir repartir sur une pente ascendante ».