Du cap Fréhel au Mont-Saint-Michel : les mystères d’une forêt engloutie

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On les appelle des coërons (ou couërons), ces fameuses billes de bois en partie fossilisées. Guy Macé, exploitant agricole du Mont-Dol (Ille-et-Vilaine), en déterre des quantités lorsqu’il laboure ses champs, depuis, dit-il, « 50 ans que j’exerce mon activité ». 

Ce bois repose là depuis des siècles, notamment dans le marais de Dol-de-Bretagne, « dans la partie tourbeuse, à environ 25 à 30 cm de profondeur. Cela occasionne parfois des dégâts sur les machines « .

De couleur noire, il est plutôt dur, « mais on peut tout de même le couper », explique Jean-Jacques Chartier, ancien enseignant, historien local, qui s’est penché sur le sujet.

Une mauvaise odeur de vase

« Il dégage une très mauvaise odeur de vase à la combustion et n’est donc pas recommandé pour la cheminée. En revanche, il a été exploité pendant des siècles pour faire des lambris, des meubles ou servir de bois de charpente », indique le Mont-Dolois. 

La mystérieuse forêt de Scissy

Ces arbres, en cours de fossilisation, auraient couvert tout le littoral, depuis le cap Fréhel jusqu’au Mont Saint-Michel. Mais c’est dans la baie de la « Merveille » qu’on retrouve ces vestiges constitués, pour l’essentiel, de chênes, mais aussi de châtaigniers, conservés dans la tourbe. 

C’est leur présence qui donne corps à l’existence de la mystérieuse forêt de Scissy et au raz de marée qui l’aurait engloutie en 709. Encore aujourd’hui, « au grand désespoir des scientifiques, des cartes et des textes circulent à ce sujet » ; peut-on lire dans une exposition à Roz-sur-Couesnon.

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Comme parole d’Evangile

Jean-Jacques Chartier se souvient d’un restaurateur du Mont-Dol qui, en 1978, affichait une de ces cartes dans son établissement et la croyait comme parole d’Évangile. C’est d’ailleurs la religion catholique qui s’est servie de « la disparition de la forêt pour asseoir le culte de Saint-Michel ». 

709, ce n’est jamais qu’une année après l’apparition de l’archange Michel à l’évêque Aubert à qui il aurait demandé l’édification d’un sanctuaire en son honneur sur l’île alors appelée Mont-Tombe.

« Plusieurs textes ont évoqué ce supposé cataclysme de 709 », souligne Jean-Jacques Chartier. 

À la fin du XVe, un moine de l’abbaye raconte que deux moines, missionnés en Italie en 709 pour rapporter des reliques de Saint-Michel, ne reconnurent pas le mont Tombe à leur retour. « Ils entrèrent comme dans un monde nouveau dans ce lieu qu’ils avaient quitté, alors qu’il était couvert de broussailles touffues (…) La mer avait aplani et gagné ladite forêt et tout ramené en grève ».

Ce passage croisé avec des textes antérieurs évoquant, comme la Révélatio (début du IXe siècle), une « mer, fort éloignée, qui rasa de sa propre force toute l’étendue de la forêt » a forcément contribué à la légende. 

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Une légende popularisée en 1829

Mais, c’est l’abbé François Manet, qui, en 1829, va populariser la forêt de Scissy. Dans son ouvrage sur l’histoire de la côte, du Cap Fréhel à Granville, « il propose une carte qui renforce ses dires ».

Dans l’esprit de certains religieux, dont fait partie l’abbé Manet, Dieu a nettoyé les alentours du Mont Saint-Michel, de cette forêt impénétrable peuplée d’animaux sauvages, pour faire du Mont, désormais insulaire, une sorte d’arche de Noé, un refuge pour pèlerins. 

Scissy rappelle, en quelque sorte, la légende de la Ville d’Ys, engloutie, dit-on, dans la baie de Douarnenez, à la suite d’un châtiment divin. « À la différence qu’il s’agit, plutôt-là, d’un bienfait divin », nuance Jean-Jacques Chartier.

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Un mythe mis à mal par les érudits

Cependant, constate l’historien local, « à partir de la 2e moitié du XIXe siècle, pour de nombreux auteurs, le raz de marée de 709 n’est qu’un mythe.  En 1865, André-Marie Laisné, érudit normand, après avoir étudié les manuscrits du Mont Saint-Michel affirme que les eaux ont envahi la baie bien avant le VIIIe siècle ». 

Deux ans plus tard, le Dolois Pierre Genée publie qu’ « aucune tempête, eût-elle duré 50 ans, n’aurait eu pour conséquence de déplacer autant de bois et de terre ; et encore moins de permettre la formation de bancs coquilliers considérables ». 

L’écrivain Paul Féval faisait lui aussi partie des sceptiques : « La forêt de Scissy est morte d’une maladie qui s’appelle l’invraisemblance. » 

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Entre 5 200 et 4 100 ans 

Aujourd’hui, le doute n’est plus permis puisque les datations au carbone font remonter l’existence de ces arbres engloutis à une période bien plus lointaine que celle du supposé tsunami.  « Dans les marais noirs de Dol, ils ont entre 5 200 et 4 100 ans. Le coëron le plus récent, prélevé dans le marais de Pontorson, a 2 600 ans. »

Une forêt a donc bel et bien couvert le littoral de la baie du Mont Saint-Michel qui s’étend de Cancale à Granville. Mais c’était il y a des milliers d’années. Elle a subi la lente montée de la mer et ses allers-retours, charriant du sable, des coquillages. Les eaux douces ont, elles aussi, apporté leur lot de sédiments. Les arbres, fragilisés, au milieu de tourbières et de marais, ont fini par tomber et entamer leur fossilisation. 

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