Dans l’assiette d’Hugo Roellinger, de l’amour, de la mer. Dans son assiette, ou plutôt ses assiettes, ses bols, ses ramequins qui voguent avec humilité sur notre table, tandis qu’à travers la baie vitrée, le Mont-Saint-Michel s’enivre de marées. Il y a « l’iode végétal » (barbue grillée, tartare d’algues, purée de cresson, sauce à l’oseille sauvage et asperges vertes). Et le « chemin des douaniers » (brioche toastée, chair d’araignée de mer, poivre verveine et sauce flibustière au pin maritime) qu’on emprunte à coups menus de doigts celtiques, ces baguettes de bambou aux faux airs japonais.
Nourri, enfant, aux récits de Jules Verne, le chef deux fois étoilé nous gratifie aussi d’une trouvaille aux accents énigmatiques, « Là où la lumière ne passe plus », hommage aux créatures des abysses. La seiche, grillée au feu de bois, nage dans un bouillon de tentacules, une mer d’encre, qui donne au tout un air de monochrome à la Soulages.
Chez le maître de l’outrenoir, la simplicité donnait à l’expression un surcroît de force. Et Hugo Roellinger fait sien ce principe. Derrière des noms au lyrisme assumé, jamais rien de tapageur mais une surprise renouvelée, des yeux et des papilles, par l’audace et la subtilité des alliances.
Des algues dans tous les plats ou presque, même les desserts
Entouré d’une vingtaine de collaborateurs, épaulé par Marine, son épouse au nom d’embruns, cet amoureux de la mer célèbre, dans un jeu de transparences, l’état liquide. « Il apporte à ma cuisine de l’horizontalité, consacre l’égale noblesse de tous les aliments, comme l’océan unit des hommes et des continents de même dignité. » Et ce chef d’incorporer, pour sublimer les saveurs, une infusion à froid à base d’algues dans tous ses plats ou presque. Même les desserts.
Un clin d’œil à la composition aqueuse de nos corps et au « plaisir charnel » que prend le sien à s’immerger, à flotter, en menant avec l’eau un dialogue d’énergies qui l’aide à se sentir « vivant ». « Un plaisir primitif qu’on partage avec les premiers humains, comme notre vulnérabilité face à l’immensité marine. »
« J’ai goûté au grand large »
Celui qui nous reçoit aujourd’hui, cheveux mi-longs et simple tablier blanc, n’était pas parti dans la vie pour déployer des trésors d’inventivité aux fourneaux. Il avait quitté Cancale pour courir les mers, sous d’autres méridiens, d’autres latitudes, comme officier de la marine marchande, à bord de navires scientifiques et de câbliers, en mer d’Irlande, sur la Baltique, le long des côtes africaines… « J’ai goûté au grand large et à la vie d’équipage. » Un huis clos dans lequel tombent les masques et se révèlent les caractères, dans lequel l’entraide n’est qu’évidence et nécessité. « Un détachement des réalités terrestres » qui paradoxalement l’a conduit, au bout de deux ans et demi, à reconsidérer ses priorités.
C’est ainsi que, un beau jour, Hugo Roellinger est ramené sur le rivage, rattrapé par l’aventure familiale, résolu à marcher dans les pas de son père Olivier, qui a accroché trois étoiles à son restaurant. Au Coquillage, la table que ses parents ont lovée dans une grande villa des années 1920, le château Richeux, il bouscule la carte, en efface les viandes, ancre sa cuisine dans la baie, privilégie les mets de saison, quitte à ne pas servir de poisson avant le retour, à la fin du printemps, des dorades et bars de ligne.
Hugo Roellinger pousse la perfection, presque radicale, jusqu’à servir à la température de la mer son plat devenu culte, « l’estran », une photographie gustative à l’instant T de ce qu’offre la baie : quelques palourdes, des huîtres et, immanquablement, des algues. « Je voulais reproduire la sensation de froid qui envahit le visage, le silence qui s’impose, lorsqu’on plonge sous la surface. »
« Je pourrais tout perdre que la mer suffirait à me combler »
Sa cuisine se nourrit aussi des doctes mélanges d’épices Roellinger. Désormais barrée par sa sœur Mathilde, cette maison s’inscrit dans le sillage lointain des armateurs malouins, qui au XVIIIe siècle, depuis l’Orient et le Nouveau Monde, ramenaient de quoi poursuivre l’aventure dans l’assiette.
Le goût du voyage n’a jamais quitté Hugo Roellinger. Cet adepte de la navigation, de la planche à voile et du kitesurf a embarqué en juin, avec l’écrivain Alexis Michalik et la championne Marie-Jo Pérec, sur le trimaran d’Armel Le Cléac’h, pour convoyer la flamme olympique vers les Antilles. Une façon de prolonger « la pérégrination marine » qui lui tient lieu de cap. Sans mer, l’homme, comme le chef étoilé, serait orphelin. « Je n’ai pas peur d’affronter la vie parce que la mer sera toujours là. Je pourrais tout perdre qu’elle suffirait à me combler. »
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Son coin de mer : « Aux îles Chausey, le flux et reflux de l’enfance »
« Enfant, je voyais peu mes parents. Mais leur restaurant était fermé le mercredi. Et chaque semaine, à la belle saison, nous partions en bateau, aux Huguenans, dans l’archipel des îles Chausey, à 10 milles au nord de Cancale. Là, la mer forme, à marée basse, un trou d’eau. On utilise l’annexe pour approcher ce terrain de jeu magique, ramener des palourdes et des étrilles. Quel émerveillement quand l’épuisette passée le long d’un rocher se met à frétiller. Aujourd’hui, c’est moi qui y emmène mon fils, dans une logique de transmission. Avec le même festival d’odeurs, la même bande-son faite des assauts du vent et du dialogue des cailloux au bord de l’eau. En ces moments fugaces de pleine présence, rythmés par le flux et reflux de l’enfance, je retrouve dans ses yeux mon propre émerveillement. »
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