Chaque année, des millions de visiteurs du monde entier affluent pour découvrir le site du Mont Saint-Michel, huitième merveille du monde, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979 et reconnu comme lieu de pèlerinage dès le Moyen Âge. Après l’abbaye, l’auberge de La Mère Poulard constitue une étape incontournable. À l’abri des murailles de la forteresse de la baie, le battement rythmé des œufs dans des culs-de-poule en cuivre résonne depuis 137 ans. Une véritable chorégraphie séculaire : le maniement habile des poêles à long manche transforme les œufs en omelettes soufflées et mousseuses, dorées au feu de bois dans une immense cheminée de granit.

De la simple omelette cuisinée dans un petit hôtel à ce qui est devenu une véritable entreprise de tourisme, il n’y avait qu’un pas et quelques milliers d’œufs à casser… Aujourd’hui, La Mère Poulard est une holding qui détient 25 établissements et emploie en moyenne 150 salariés, un effectif qui peut monter jusqu’à 250 personnes en haute saison : 6 hôtels, 8 restaurants, 5 points de vente à emporter, 3 musées privés et 3 boutiques souvenirs. Intra et extra muros, la Mère Poulard propose l’offre touristique la plus diversifiée du Mont-Saint-Michel, depuis l’hôtel classé 4 étoiles à des points de restauration rapide comme La Belle Normande qui propose des snacks. Le chiffre d’affaires du groupe oscille entre 40 et 60 millions d’euros selon les années, un chiffre qui se répartit de manière équilibrée entre les entités touristiques et la branche agroalimentaire (biscuiterie).

Annette Poulard et son omelette

L’histoire de la Mère Poulard démarre au XIX^e siècle, lorsqu’Annette Boutiaut, femme de chambre de l’architecte Édouard Corroyer, accompagne son employeur, au Mont-Saint-Michel, alors que celui-ci prépare un projet de restauration de l’abbaye. Elle y rencontre Victor Poulard, fils du boulanger local, qu’elle épouse en 1873. Peu après leur mariage, le couple achète en 1888 l’hôtel du Lion d’Or, situé devant la porte du Roi au Mont-Saint-Michel, qu’ils rebaptisent « Hôtel Poulard aîné ».

À une époque où l’accès au Mont dépend des marées – car la digue n’a pas encore été construite – les visiteurs pressés par le temps, réclament des repas rapides. Annette imagine alors une solution simple et savoureuse : l’omelette, un plat rapide à préparer et toujours apprécié. Ce mets devient rapidement emblématique, prenant une renommée internationale : les « fameuses omelettes d’Annette Poulard », mais aussi ses autres recettes inspirées de la cuisine normande – la poularde au calvados, l’agneau de pré-salé en croûte et les sablés – deviennent un véritable phénomène de mode. Elles attirent une clientèle variée d’artistes, d’archéologues, de pèlerins et visiteurs de tous horizons, séduits par la convivialité et la simplicité de leur hôtesse. Connue pour son accueil chaleureux et son égalité de traitement envers tous ses convives, Annette obtient le titre honorifique de « Mère » : la légende est née ! Plus de 45 000 omelettes de La Mère Poulard sont dégustées chaque année.

Perpétuer l’héritage culinaire en le développant

Après Annette Poulard, la gestion de l’établissement a brièvement été assurée par ses descendants avant d’être rapidement cédée. Par la suite, plusieurs gérants s’y sont succédé au fil des années.

L’auberge était au bord de la faillite lorsqu’Eric Vannier, enfant de la baie, en a pris possession en 1986. À cette époque, le Mont Saint-Michel et ses établissements touristiques fermaient leurs portes durant la basse saison. Eric Vannier a donc misé sur la renommée de la Mère Poulard pour attirer des touristes, en particulier des étrangers, notamment japonais, durant cette période creuse. Il rêve d’un projet touristique global pour le Mont-Saint-Michel à une période où les pèlerins se font de plus en plus rares.

Capitalisant sur l’héritage gastronomique, Eric Vannier créé le Groupe La Mère Poulard, une holding forte de 25 établissements. L’entreprise est le premier acteur d’hôtellerie-restauration du Mont Saint-Michel. « Nos challenges sont nombreux. De gros travaux de rénovation sont prévus, et d’ici 2030, nous aurons conforté et amélioré chacune des expériences de nos clients. Il y a des contraintes liées à l’histoire des lieux, à sa topographie, et à l’exigence d’un site unique au monde », confirme Frédéric Vincent, directeur général de la branche tourisme du groupe. Depuis 2024, les restaurants sont placés sous la direction de Christophe Pacheco, chef étoilé au Guide Michelin et Meilleur Ouvrier de France 2011.

Une biscuiterie… bretonne

Pour se diversifier et ajouter une corde à son arc, le groupe se lance dans l’industrie agroalimentaire avec l’ouverture, en 1995, de la biscuiterie La Mère Poulard à Saint-Étienne-en-Coglès, (Ille-et-Vilaine) à 30 kilomètres du Mont-Saint-Michel. La biscuiterie bretonne (117 salariés) propose les recettes traditionnelles à base des matières premières issues du livre de recettes d’Annette Poulard, précieusement conservé par la famille Vannier. La biscuiterie produit chaque année 3 500 tonnes de biscuits. Les deux tiers de cette production sont écoulés en France, avec 60 % des ventes réalisées en grande distribution, tandis que le reste est exporté vers 63 pays.

« Nous prévoyons d’agrandir notre usine en 2026, avec l’objectif de mettre en place une nouvelle ligne de fabrication dès 2027. Cela nous permettra de nous positionner sur des marchés où notre présence est encore limitée, notamment dans le secteur de la restauration hors domicile », annonce Sébastien Pautrel directeur général de la Biscuiterie. De nouveaux défis à venir pour le Groupe La Mère Poulard.

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