Le Mont-Saint-Michel au défi de se débarrasser de sa réputation d’attrape-touristes

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2/5 Qu’importe le type de touriste que vous êtes, la richesse et la diversité du patrimoine français sauront vous combler. Mais derrière ces lieux emblématiques que le monde nous envie, se cachent des business florissants, et aussi des défis parfois colossaux. Pour cette deuxième excursion, rendez-vous au Mont-Saint-Michel qui tente coûte que coûte de redorer son image pour séduire ses visiteurs.

«Je vous écris, mademoiselle, du Mont-Saint-Michel, qui est vraiment le plus beau lieu du monde», confiait Victor Hugo à son amie Louise Bertin pendant l’été 1836. «Ici, il faudrait entasser les superlatifs d’admiration, comme les hommes ont entassé les édifices sur les rochers et comme la nature a entassé les rochers sur les édifices», poursuivait-il. Un îlot de 4 kilomètres carré culminant à 80 mètres de hauteur, planté au milieu d’une baie de 40 000 hectares entre Bretagne et Normandie, théâtre des plus grandes marées d’Europe – la légende raconte que la mer remonte à la vitesse d’un cheval au galop pour encercler le rocher… Le Mont-Saint-Michel et sa baie, classés au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1979, accueillent chaque année trois millions de visiteurs, dont un million l’été, ce qui en fait le site touristique le plus visité de l’Hexagone en dehors de l’Île-de-France.

Depuis le XIXe siècle, l’accumulation de sédiments autour de la baie avait transformé le Mont en une quasi-péninsule, accessible en permanence par une chaussée submersible. Dans les années 2000, un vaste projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel a été lancé pour redonner à l’îlot sa condition naturelle d’origine, en favorisant les flux naturels des marées et en limitant l’ensablement. Parmi les mesures prises, la construction d’un barrage sur le Couesnon, un petit fleuve se jetant dans la baie, a joué un rôle crucial. Ce barrage permet de gérer les eaux de manière à évacuer les sédiments accumulés. En 2015, une nouvelle passerelle piétonne a été inaugurée, remplaçant l’ancienne digue-route, permettant aux visiteurs d’accéder au Mont tout en respectant les mouvements des marées. Aujourd’hui, le rocher redevient insulaire plusieurs jours par an au gré des marnages. Pour faciliter leur compréhension, l’établissement public a édité un calendrier des marées 2024.

Quand la marée est basse, les visiteurs en profitent pour se promener sur le sable qui s’étend à perte de vue. Certains optent même pour des randonnées à cheval. Il est conseillé pour ceux qui souhaitent s’éloigner de la forteresse, d’avoir un guide avec soi, les sables mouvants peuvent surprendre.  Sarah Younan / Capital

Une meilleure gestion du site

Bien que le lieu soit principalement connu pour son abbaye – devenue une prison à la Révolution – et son site touristique, la «Bastille des mers» conserve sa vocation première, celle d’avoir été l’un des plus hauts lieux de pèlerinage en Occident pendant des siècles – au même titre que Rome ou Saint Jacques de Compostelle. Depuis 2001, les Fraternités Monastiques de Jérusalem assurent une présence spirituelle au sein de l’abbaye et ont pour mission d’accueillir les pèlerins, de veiller à la dimension sacrée du lieu dans une vie monastique qui coexiste avec l’afflux touristique massif.

Depuis 2022, la gestion de ce joyau du patrimoine français a considérablement évolué avec la création en 2020 de l’Etablissement public national du Mont-Saint-Michel (EPIC), dont la mission est d’assurer une meilleure gouvernance du lieu, en lien avec les collectivités locales et les acteurs économiques. «Le Mont n’a pas toujours eu une excellente réputation pour son expérience touristique, même s’il reste l’un des sites préférés des Français (60% des touristes sont hexagonaux, NDLR). Notre mission immédiate a été de redorer cette image en écoutant les mécontentements des visiteurs et en répondant au mieux à leurs attentes», explique Thomas Velter, directeur de l’Etablissement public depuis 2020.

Pour répondre aux mécontentements des visiteurs quant au temps d’attente et à la gestion des navettes, l’établissement gestionnaire du Mont a commencé par mettre fin au contrat avec la société Transdev pour l’exploitation des navettes de bus, pour signer avec un nouveau prestataire, Keolis, «dont nous sommes satisfaits», indique Thomas Velter. Lui et ses équipes prennent la question de la surfréquentation «à bras le corps». Dans les faits, le rocher «n’est pas victime de surtourisme en permanence, mais il connaît des pics de fréquentation qui peuvent nuire à l’expérience touristique et à l’écosystème du lieu» avec, d’après lui, dix à quinze jours rouges par an au mois de mai et en été. Pour lisser les flux de voyageurs, les prix des stationnements, principale source de revenus du site, ont été revus à la baisse en hiver et ils sont gratuits après 18 heures (exception faite de juillet et août) pour inciter les touristes à venir en basse et moyenne saison. A l’été 2023, l’Epic a expérimenté la réservation obligatoire des places de parking pour limiter l’engorgement du site.

Au coeur de l’Abbaye du Mont Saint Michel, le cloitre offre un écrin de répit hors du temps pour se tenir à l’écart du flot de touristes.  Sarah Younan / Capital

Lisser les flux de visiteurs

Mais pas question de mettre en place des quotas ou de rendre l’accès à l’île payant car, contrairement à un musée, le Mont-Saint-Michel est un village où «on ne peut pas interdire aux gens le droit d’aller et venir», selon le directeur général de l’Epic, qui ajoute que «nous ne souhaitons pas tomber dans l’élitisme, où seul un certain public aisé pourrait accéder au site. Notre montée en gamme ne doit pas aller à l’encontre du visitorat traditionnellement populaire et familial du Mont».

Fort de ses réussites, l’Etablissement public a décidé de relever le défi de proposer une amélioration de l’accueil, afin de se départir de sa réputation d’attrape-touristes avec une offre chère et souvent peu satisfaisante. «La rue principale du village est un véritable parc d’attractions, une allée de boutiques souvenirs, de goodies et autres attrape-touristes. Les restaurants s’enchaînent, j’ai même vu des fast-food. Mon impression est assez mitigée, par rapport à la dernière fois où j’y suis allée, il y a une dizaine d’années», témoigne Sarah, en visite sur le massif granitique début juillet.

Les commerces appelés à monter en gamme

Elle n’est pas la seule, à en croire les avis postés sur Tripadvisor. Comptez 2,5 étoiles sur 5 pour le célèbre restaurant La Mère Poulard, ou 1,5 pour Les Terrasses de la Baie. Pour donner une idée, sur les trente restaurants listés par le site de réservation en ligne, seuls treize franchissent le seuil des 3 étoiles. Il y a deux ans, Capital était venu en reportage filmé passer une nuit sur l’îlot et montrer ses «coulisses peu ragoûtantes». «Avoir le privilège de dormir ici a un prix, 280 euros en moyenne» la nuit dans l’auberge de la Mère Poulard, y raconte-t-on, pour un service loin d’être à la hauteur. Côté cuisine, même conclusion : «Ici, pas un menu à moins de 18 euros» dans un restaurant «où l’on mange mal». Son mets emblématique, l’omelette soufflée, qui a autrefois valu une étoile Michelin à l’établissement, a aujourd’hui perdu de son éclat d’antan pour un prix qui, lui, n’a rien perdu de sa splendeur, à 35 euros le plat. Poussé par l’Etablissement public à améliorer son offre, sans qu’il n’y ait de lien hiérarchique entre les deux, le groupe La Mère Poulard a décidé de s’engager dans une démarche de montée en gamme et a entamé différents chantiers pour s’inscrire dans ce nouveau souffle. Contacté par Capital à ce sujet, le groupe n’a pas souhaité en dire davantage dans le délai imparti.

Mais l’Epic ne possédant que 20% du foncier de l’île, difficile de s’imposer face aux trois familles qui se partagent les commerces du Mont et des alentours. «On travaille en coopération avec les acteurs économiques du Mont, la plupart sont partants pour s’inscrire dans le “renouveau” du site», souligne Thomas Velter. Mais certains projets passent plus difficilement auprès des commerciaux, notamment celui de l’ouverture d’un restaurant haut de gamme dans le logis Sainte-Catherine, propriété publique. Alors que les frontières entre le privé et le public étaient plutôt poreuses – tous les maires de la ville, à l’exception de l’actuel, étaient également à la tête d’un commerce –, aujourd’hui il ne reste plus qu’un seul opérateur privé, le groupe La Mère Poulard, au conseil d’administration de l’Etablissement public, où siègent également les collectivités territoriales et le Centre des monuments nationaux.

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