Situé à l’embouchure du fleuve Couesnon, au large d’Avranches, le Mont Saint-Michel ressemble à un empilement architectural plutôt mal famé, un peu comme un rebut du « Great British Bake Off ». Aujourd’hui, bien sûr, c’est une icône de la France, l’un des monuments les plus immédiatement reconnaissables du pays, attirant chaque année des millions de visiteurs qui viennent dépenser des sommes disproportionnées en stationnement, en nourriture et en boissons, et en souvenirs douteux.
Au bon vieux temps, vous pouviez conduire presque jusqu’aux portes de la ville insulaire et payer beaucoup moins cher pour avoir le privilège de laisser votre voiture coincée dans la boue ou emportée par la marée montante si vous aviez mal programmé votre arrivée. Aujourd’hui, vous pouvez vous garer à environ un kilomètre de là et payer 12,50 € (2015) pour laisser votre voiture en relative sécurité. Mais, pour être juste, ces 12,50 € permettent à tout le monde (sauf les chiens) de voyager gratuitement en navette aller et retour (espérons-le) le long d’une nouvelle chaussée surélevée qui contribue indirectement à régénérer l’état d’origine de la baie et de son île.
À l’époque préhistorique, le Mont n’était qu’une petite bosse sur une étendue de terre sèche sur laquelle l’homme préhistorique aurait pu chasser le bison, le mammouth laineux, le cerf et l’élan, et aurait été chassé à son tour par le tigre à dents de sabre et un assortiment de bêtes pour qui l’homme n’était qu’un savoureux en-cas pris dans la tradition des repas en plein air qui allait caractériser la France d’aujourd’hui. Puis, avec la montée du niveau de la mer et l’érosion, des affleurements de leucogranite ont commencé à apparaître, ayant résisté aux assauts de la mer plutôt mieux que partout ailleurs à proximité. L’un d’eux est devenu connu sous le nom de Mont Tombe.
Et il en fut ainsi jusqu’à ce qu’en 708, Aubert, évêque d’Avranches, sous l’effet de quel médicament liquide, nous ne savons pas, ait rêvé d’une rencontre avec l’archange Michel, qui lui ordonna de construire une église sur l’île. L’archange ordonna à trois reprises à l’évêque, et finit, dit-on, par lui brûler un trou dans le crâne pour lui faire comprendre les mérites de l’obéissance.
Depuis lors, l’île a longtemps eu une importance stratégique sur la baie et est devenue avec le temps le siège du monastère qui lui donne aujourd’hui son nom, bien que les pèlerins tentant de traverser la baie à pied à travers les sables et les vasières, en soient venus à la considérer comme « Saint-Michel en péril de la mer ».
Au niveau profane, l’île, avec ses ruelles tortueuses et ses allées en escalier, mérite toute l’attention ; elle est constamment animée et frénétique, propice à l’émerveillement. Lors d’une récente visite, mon nez de journaliste a suivi pendant un moment une famille française de cinq personnes : maman, papa, deux enfants et la tête d’un chihuahua dans un sac à bandoulière, ce qui, j’en étais presque sûr, n’était pas autorisé, à moins que ce ne soit juste la tête et pas un chien complet. Fou-Fou semblait résigné à tout cela, mais les visages humains tout autour couvraient les émotions suivantes : joie (n’est-ce pas si magique ?) ; frustration (la queue au restaurant) ; panique (une queue plus longue aux toilettes) ; émerveillement (des nuages de pluie noirs perçant le soleil comme un e-mail du ciel) ; agacement (deux enfants disparaissant dans des directions opposées, tous deux faisant signe avec impatience) et piété (des visages sombres tournés vers le ciel, certains ayant l’air de s’être arrêtés sur le chemin de la tombe). Mes nombreuses visites sur l’île servent à confirmer que c’est la norme.
D’une certaine manière, on ne peut s’empêcher d’être enthousiasmé par tout cela, mais je suppose que la majorité des gens n’arrivent pas à mettre le doigt sur ce qui rend le Mont Saint-Michel si spécial. Bien sûr, il y a son histoire non laïque, et même parmi les plus païens d’entre nous, je suppose que cela mérite un minimum de respect.
Pour moi, c’est l’architecture et la façon dont l’ensemble a été disposé d’une manière qui avait sans doute du sens à l’époque, mais qui a donné lieu à un labyrinthe de ruelles ascendantes et de marches qui vous coupent le souffle. Pour d’autres, c’est peut-être le caractère insulaire du lieu.
Comme Carcassonne, c’est un endroit agréable à fréquenter la nuit, une fois que la foule est partie ; pour flâner dans les ruelles faiblement éclairées, se faufiler dans les ombres pour regarder la lune se lever sur les eaux agitées par son influence. On y trouve alors une paix intérieure qui peut être simplement le contraste avec le brouhaha de la journée, ou quelque chose de plus spirituel et apaisant, ou le simple sous-produit d’une évasion en vacances. Puis, lorsque la marée monte et engloutit la terre, l’état insulaire revient et, pendant un temps, on ressent un vif sentiment d’imprégnation… un sentiment d’isolement… un sentiment d’appartenance.
C’est peut-être ça le Mont Saint-Michel.
D’un point de vue architectural, c’est toujours un désastre.
Par Terry Marsh, grand écrivain de voyage.
Superbe galerie de photos du Mont-St-Michel
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