L’observation de la migration des civelles en baie du Mont Saint-Michel s’effectue depuis 2004 déjà. Pendant les deux premières années, un état initial de cette colonisation des eaux terrestres par ces bébés anguilles a été réalisé.

Entre 2006 et 2009, le barrage actuel sur le Couesnon a été construit, dans le cadre du grand chantier pour le rétablissement caractère maritime du Mont-Saint-Michel, en remplacement de l’ancien ouvrage à portes à flot. Depuis 2009, un suivi de la migration est reconduit chaque année pour mesurer l’impact de cette construction.

Les observations confirment la baisse de la population d’anguilles. Elles sont effectuées depuis vingt ans, c’est rare d’avoir un suivi à cette échelle.

Carrelet et bongos dans le Couesnon

Lundi 14 février 2025, deux employés de la société Fish Pass, spécialisée dans la gestion des milieux aquatiques, ont installé leurs filets de pêche et autres instruments de mesure sur la passerelle du barrage. Tous les ans, entre janvier et mars, ils sont présents sur les quelque 25 marées de cette période.

C’est le dixième comptage cette année. Lors de la marée montante, les civelles cherchent à passer le barrage pour venir coloniser le Couesnon, comme elles le font dans tous les fleuves côtiers de la façade atlantique.

Avec son collègue Fabien Charrier, ils ont installé un carrelet et des filets tubulaires en amont et en aval du fleuve. « Après trois à quatre ans passés dans le Couesnon, les anguilles adultes repartiront à dévalaison ».

Les filets remontés toutes les 20 minutes

La rigueur scientifique s’impose à ces relevés. A 16 h 49 précises, alors que les vannes sont fermées, le carrelet est descendu face au Mont Saint-Michel, avant l’écluse. Vingt minutes plus tard, ce grand filet de pêche, que l’on a coutume de voir sur la côte atlantique, est remonté. Le réceptacle est vidé pour quantifier les espèces qui arrivent avec la marée montante.

Dans le même laps de temps, un filet tubulaire, un bongo, a été déposé dans l’écluse pour relever les espèces dans le flux. Un autre sera ensuite descendu dans la vanne ouverte. Les deux spécialistes vont noter précisément les quantités trouvées de part et d’autre et la quantité d’eau filtrée.

Des observations jusqu’au cœur de la nuit

Des mesures d’eau : température, turbidité et quantité de sédiments, salinité… compléteront les observations. Ce premier travail va se poursuivre jusqu’aux alentours de 21 heures. Le matériel sera ensuite démonté et les filets réinstallés vers minuit pour environ deux trente face au Mont. Les relevés seront alors effectués lors de la chasse d’eau, quand le barrage l’eau du Couesnon.

Une campagne jusqu’à la fin mars

Cette campagne de terrain se terminera fin mars. Viendra ensuite le temps des analyses. Le nombre de civelles comptabilisées, le volume d’eau filtré va nous permettre, par extrapolation, d’avoir la mesure du nombre de civelles qui passent le barrage.

Responsable de l’environnement à l’établissement public Mont Saint-Michel, Audrey Hemon a en charge le suivi environnemental de la faune et de la flore, depuis le chantier qui a permis de rendre son insularité au Mont Saint-Michel, lors des grandes marées.

« La porte à flot précédente bloquait les migrateurs. Même si le barrage reste un barrage, la continuité écologique, dans un sens comme dans l’autre, se fait bien. Nous travaillons avec l’équipe qui gère le fonctionnement du barrage pour ajuster les heures d’ouverture des vannes en fonction des heures d’arrivée de ces migrateurs.

On joue avec des curseurs de gestion fine. L’ouvrage joue aussi son rôle de gestion des crues et des inondations, que nous avons connu début février. Ce travail nous permet de concilier les enjeux environnementaux et les activités humaines », conclut Audrey Hemon.

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