Il apparaît dans la tradition juive sous le nom de Michaël. Dans Le Livre des veilleurs, daté du IIIe siècle avant notre ère, il incarne une forme de super-héros protecteur. Ne vole-t-il pas (au sens premier du terme) au secours de ceux qui l’appellent à l’aide ? Dans Le Livre de Daniel, cet archange, qualifié de « prince » des nuées, veille sur les enfants d’Israël. À ce titre, il commande une armée de chérubins au service des descendants de Jacob.
Tantôt intercesseur entre le Créateur et les humains, tantôt exécuteur du Jugement divin, il est rebaptisé Michel dans la tradition chrétienne. Mais sa vocation d’ange gardien est confortée dans Le Livre de l’Apocalypse, où on le voit lutter contre un monstrueux reptile, mélange de dragon, de serpent et de dinosaure. On y lit que, après l’ascension du Christ vers le ciel, une guerre sanglante a opposé les séraphins et un groupe d’anges rebelles, passés au service de Lucifer. Symbole de l’éternelle lutte contre les ténèbres, du combat entre les forces de vie et celles de Belzébuth, ce conflit s’achève par la victoire de Michel qui terrasse leur chef, le sinistre Satan.
Dans le Coran, il est après Djibril l’un des anges les plus proches de Dieu. Cette proximité lui confère de nombreux pouvoirs. Créature de lumière que l’on découvre investie d’une nouvelle tâche. Il est chargé de la « pesée des actes » des morts lors du Jugement dernier. Obéissant aveuglément à Allah, Michel multiplie alors les bénédictions pour les musulmans qui ont respecté les préceptes de la tradition islamique.
Michel, ange œcuménique
L’archange auquel est dédié le Mont normand affiche un œcuménisme de bon aloi. Mais que sait-on vraiment de lui ? Dans un livre collectif, Saint-Michel (Les éditions du Cerf, 2002) sous la direction de Giorgio Otranto et Sandro Chierici, une vingtaine d’universitaires reconstituent l’histoire de cette figure de légende.
Son culte naît au Moyen-Orient il y a trois millénaires. En hébreu, son nom signifie « qui est comme Dieu ». Une appellation qui semble attester la place prééminente qu’il occupe dans la cour qui gravite dans les cieux. Michel se voit très tôt doté de pouvoirs thaumaturgiques. S’il réalise des miracles, indiquent les textes (à commencer parLe Livre des paraboles, de Hénoch, écrit à partir du Ier siècle avant notre ère), c’est qu’« il est parmi les anges celui qui supervise la force des eaux ».
Associé aux rituels de purification – ceux du mikveh, le bain de la tradition juive, mais aussi ceux du baptême chez les chrétiens ou des ablutions musulmanes avant la prière –, on le présente dans les milieux gnostiques comme détenteur de pouvoirs magiques liés aux sources. Protecteur des agriculteurs dans un texte apocryphe du Ier siècle après J.-C., intitulé La Vie d’Adam et Ève, on retrouve le nom de Michel sur des colliers et des médaillons déposés dans les tombes, car il doit favoriser le voyage des morts dans l’outre-monde. L’historien des religions Renzo Infante relève que, « dans certaines formules magiques, transmises par des papyrus grecs et égyptiens des IIIe et Ve siècles, il est souvent évoqué, même par des païens, contre la maladie et la fièvre ».
Des sanctuaires lui sont dédiés en Asie mineure. On les désigne sous le terme grec de « michaelion ». L’un des plus anciens se situe dans la région de l’antique Colosses, à Cheretapa. Un autre est à Chônai (actuelle Honaz, en Turquie). On raconte que l’archange y aurait fait jaillir une fontaine d’eau miraculeuse qui aurait redonné la parole à une enfant muette. Un oratoire y a été implanté en lieu et place d’un ancien temple où était vénéré jusque-là Héraclès, un autre héros combattant, doté comme Michel de pouvoirs de guérison. Le lieu ne tarde pas à attirer les pèlerins qui viennent parfois d’Hiérapolis, en Égypte, où l’archange est assimilé à Osiris.
À Alexandrie, entre 313 et 326, un temple jadis dédié à Saturne est reconverti en sanctuaire michaélique. Fleurissent le long du Nil d’autres sanctuaires où Michel est honoré. Sa vénération prend une telle ampleur que le concile de Laodicée, en 364, condamne comme idolâtre l’adoration des anges. Leur invocation reste cependant tolérée. Si l’on en croit Théodoret de Cyr (393-466), dans son Épître aux Colossiens, de nombreux sanctuaires lui restent donc consacrés dans la région.
Le culte de Michel ne tarde pas à essaimer sur tout le pourtour méditerranéen. En témoignent les inscriptions funéraires qui le citent et qui ont été retrouvées par des archéologues à la fois en Turquie (où, de la Pisidie à Éphèse, de Pergame à Milet, les temples à Apollon mais aussi à Mercure sont réaffectés à l’archange), mais aussi en Grèce (à Lesbos, à Santorin) et en Italie. Au nord de Bari, le long de la côte adriatique, une basilique est édifiée à la fin du Ve siècle sur ordre du pape Gélase Ier (mort en 496) pour honorer Michel.
Les quatre apparitions de Michel
La tradition catholique rapporte que le souverain pontife aurait écrit à Justus, évêque de Larino, pour dédier cet édifice à l’archange après une série de miracles. Michel serait apparu à trois reprises aux habitants du village, dans une grotte. Le premier de ces épisodes fait étrangement écho au culte phrygien de Mithra. L’histoire est la suivante : un paysan prospère du village de Siponto fait paître ses troupeaux sur le mont Gargan. Soudain, son plus beau taureau disparaît. Son propriétaire se met fébrilement à sa recherche. Il explore les alentours et retrouve finalement l’animal au sommet d’un relief inaccessible, agenouillé à l’entrée d’une grotte.
Ne parvenant pas à faire descendre le taureau de la montagne, l’éleveur lui décoche une flèche mais, d’une manière inexplicable, celle-ci se retourne contre lui et le blesse au pied. Le paysan se rend chez l’évêque local. Lequel, après avoir écouté son récit, lui enjoint de prier et de faire pénitence. Trois jours plus tard, l’archange apparaît au religieux et lui déclare que la cavité devant laquelle s’est arrêté l’animal est un lieu sacré dont il est le gardien vigilant… « Là où le rocher s’entrouvre, les péchés des hommes peuvent être pardonnés », dit-il.
À LIRE AUSSI Mont-Saint-Michel : mille ans de joyauxIntervient une deuxième apparition, quelques années plus tard. L’Église catholique la date de l’année 492 même si, pour les spécialistes, l’épisode se déroule plutôt pendant la guerre de 662-663. La ville de Siponto, assiégée par les Grecs, est sur le point de se rendre lorsque l’évêque du coin, le futur saint Laurent, négocie une trêve de trois jours. Dans un rêve, saint Michel annonce au religieux une victoire du duc lombard Grimoald. Prophétie autoréalisatrice : les Italiens sortiront de la ville les armes à la main. La tradition rapporte que, au terme d’une bataille sans merci, ponctuée de tremblements de terre, d’un orage terrible, ils déferont leur ennemi.
Une troisième apparition aurait eu lieu l’année suivante. L’archange demande à saint Laurent de monter à la grotte. Accompagné de sept autres évêques des Pouilles, le religieux conduit une procession vers le sommet et fait, en chemin, d’étranges expériences. C’est d’abord la rencontre avec des aigles qui, en déployant leurs ailes, lui évitent d’être aveuglé par le soleil. C’est ensuite, dans la cavité, la découverte d’un autel de pierre brut, recouvert d’une étole rouge vermeil, ornement liturgique surmonté d’une croix. La légende ajoute qu’une empreinte du pied de saint Michel apparaît dans la roche.
Le sanctuaire du monte Gargan ne tarde pas à devenir un haut lieu de dévotion michaélique. Mais il est loin d’être le seul. Procope de Césarée (500-562) évoque dans ses écrits l’existence d’un autre sanctuaire où l’archange fait l’objet d’un culte fervent. Le lieu est situé dans le nord de la Turquie, sur la rive orientale du Bosphore, à Pythia, non loin de Chalcédoine. Procope relève que les habitants de Constantinople y viennent en si grand nombre que l’empereur Justinien (527-565) y fait construire un grand hospice pour les pèlerins.
Le culte de Michel se diffuse au VIe siècle en Syrie, mais aussi en Europe occidentale. En France, « son culte fleurit dans le sillage des légendes de Gargano qui devait être une espèce de dieu ou, mieux, de démon de ces populations païennes, ayant les traits d’un véritable géant qui aurait été enseveli sous une grande montagne entre la Normandie et la Bretagne », explique l’universitaire Franco Cardini. Ce Mons Tumba (mont Tombe), qui prit ensuite le nom de Mont-Saint-Michel, sera à son tour dédié à l’archange.
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Dans son sillage, une chapelle du village d’Aiguilhe, près du Puy-en-Velay, sera également consacrée au tueur de dragon. Tout comme le sommet du mont Pirchiriano, qui domine le val de Suse, dans le Piémont italien, une caverne dans la localité de Coli (dans le val Trebbia). Des « montagnes sacrées » qui sont autant de « hauts lieux » du culte michaélique.
Michel, patron des forces aéroportées Si saint Michel est le protecteur des régiments parachutistes, c’est au colonel Henri de la Vaissière (1901-1944) qu’on le doit. C’est en effet cet officier, affublé du surnom de « Valin », qui a proposé que, sur le modèle britannique (saint Michel est le protecteur du Special Air Service), l’archange devienne le saint patron des militaires appelés à « sauter du ciel. » Le père Jego, aumônier du 3e bataillon du 1er RCP, reprendra cette idée en affirmant que saint Michel est « celui qui dirige nos combats, nos combats intérieurs et extérieurs, les luttes de notre vie d’homme ». En 1948, lors d’une messe célébrée à Hanoï, ce religieux prononcera pour la première fois l’apostrophe « Et par Saint-Michel, vivent les parachutistes ! » qui deviendra l’hymne des troupes aéroportées.
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