Qu’est-ce qui vous a séduit dans ces « Rencontres du littoral » qui réunissent scientifiques, artistes, navigateurs, auteurs, jeunes entrepreneurs, tous amoureux du littoral et de la mer autour de trois axes : l’Art et la Culture, l’Environnement et la Science ?

C’est un coin de côte que je ne connais pas. Et toute occasion de découvrir un arpent du pays, je la saisis. Tout ce qui est baigné par le nimbe du Mont-Saint-Michel me plaît. J’accours donc avec bonheur.

Vous êtes sensible aux richesses mais aussi aux fragilités qui caractérisent l’espace littoral ?

Je suis géographe. Et par définition, le géographe s’intéresse à l’implication de l’homme dans la structure et la forme des paysages. Donc évidemment le sujet m’intéresse, d’autant qu’aujourd’hui l’intervention de l’homme, son succès à la surface de la planète, a entraîné un certain nombre de bouleversements, dont la plupart sont tragiques. C’est d’ailleurs le grand sujet de notre époque. Que va-t-on faire de notre place sur la Terre ? On ne peut pas être indifférent à cela… C’est comme si nous étions indifférents à l’air qu’on respire !

Vous venez d’écrire « Les Piliers de la mer », un livre qui relate votre tour du monde à escalader des « stacks » (NDLR rochers en pleine mer détachés de la côte). Qu’est ce qui a déclenché cette envie ?

Premièrement, grimper les aiguilles maritimes, c’est une quintessence de toute la difficulté de ce que peut offrir une aventure alpinistique. C’est, à la fois, une exploration géographique, de marche pour atteindre la côte, de nage pour approcher le stack et d’escalade pour atteindre son sommet. Vous avez là tout un faisceau de compétences d’exploration et d’aventure. Deuxièmement, cette forme de relief, l’aiguille rocheuse postée devant la falaise, offre une très forte impression symbolique. On a l’impression que ces aiguilles, ces pilastres, ces monolithes, représentent dans l’ordre géologique ce que le rebelle, le dandy, l’artiste, l’homme qui fait sécession, incarne dans l’ordre humain. Dans nos sociétés, nous avons toujours des anticonformistes, de même que devant les falaises nous avons toujours des stacks. Partout où il y a un système, il y a son refus !

Vous avez escaladé plus de 100 stacks aux quatre coins du monde. Ce parcours est-il passé par la Bretagne ?

Du Cap Horn à la Tasmanie, mais aussi des îles Féroé à la Bretagne où nous avons grimpé avec mon ami Daniel Dulac, guide de haute montagne, une des aiguilles de Port-Coton, à Belle-Île-en-Mer. Une aiguille de 25 m, composée de schiste à inclusion de quartz. Et sur cette côte sauvage, nous avons aussi escaladé le rocher du Pilor.

C’est l’esthétique de ces aiguilles qui vous attire ou l’art de défier l’impossible ?

C’est les deux. À l’aventure rocambolesque s’ajoute esthétiquement la très belle figure du stack positionné devant la mer, tel le vieil homme qui s’en va de la société parce qu’il n’arrive plus à en supporter la médiocrité.

Y a-t-il un endroit rêvé que vous n’avez pas pu gravir ?

Si jamais, je reprends mon bâton de pèlerin pour aller de stack en stack, j’aimerais beaucoup grimper les aiguilles du sud de l’Islande, dans la baie de Vik. C’est mon rêve !

Il y a un rocher qui vous a marqué plus que les autres ?

Celui que j’ai grimpé aux îles Marquises, 230 m de haut, en basalte volcanique, sûrement le plus difficile en termes d’escalade, le plus sauvage en termes de position, et, sous un ciel tourmenté, le plus magique dans sa forme esthétique. De plus, la jeune Marjorie, pêcheur de thon, qui nous a embarqués sur son bateau de bois, est devenue une amie, très sensible à la poésie des stacks.

Sylvain Tesson, « Les Piliers de la mer », éditions Albin Michel. 21,90 €.
Rencontre avec l’auteur le vendredi 6 juin, à 18 h 30, au Grand Hôtel Barrière de Dinard.