Le frère jumeau anglais du Mont-Saint-Michel

Dans la lumière rasante du soir, sa ressemblance avec le Mont-Saint-Michel est troublante. Même silhouette granitique émergeant des flots, même construction pointant vers le ciel, même référence à Saint-Michel… Ce rocher massif, désigné en langue celte sous le nom de Carrack Looz en Cooz (« la pierre grise dans les bois »), n’a pas toujours été entouré par la mer. À l’époque antique, son promontoire était juste cerné par une vaste forêt. Les choses ont bien changé depuis.

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Situé à l’extrémité orientale de la Cornouailles, à un demi-mille de la ville de Marazion, le site est aujourd’hui une île à marée haute. En retracer l’histoire nécessite de remonter loin, car le culte de saint Michel est ancien, au Royaume-Uni. Frances Arnold-Forster dénombre 686 églises dédiées à l’archange en Angleterre à l’époque médiévale dans son recensement de 1899 (Studies in Church Dedications or England’s Patron Saints, Skeffington & Son). Ce qui en fait, de très loin, le saint le plus révéré outre-Manche, juste derrière saint Pierre.

À LIRE AUSSI Quand le Mont-Saint-Michel abritait la Bastille des mersLa plus ancienne allusion aux dévotions qui l’entourent se retrouve sous la plume de Bède le Vénérable (672-735). Ce moine, considéré comme le père de l’Église britannique, évoque une apparition de l’archange à Wilfrid, évêque d’York et de Hexham, en 705. Dans la foulée, les sanctuaires michaéliques se multiplient entre le nord de l’Angleterre et le sud de l’Écosse, et des pèlerins anglo-saxons convergent alors vers le mont Gargan. De retour de la grotte des Pouilles, des religieux décident de célébrer la fête de saint Michael le 29 septembre.

Fêtes « michaéliques »

Le culte de saint Michel s’intensifie entre les IXe et Xe siècles. Au moment des incursions de Vikings, sa dimension d’archange guerrier, chef des milices célestes, lui vaut alors d’être vénéré dans toutes les villes attaquées par les Scandinaves. En 844, Ethewulf, roi du Wessex, concède une réduction d’impôts à ses sujets à la condition qu’ils prient saint Michel lorsque des drakkars sont aperçus au large. En 1009, un autre monarque anglais, Ethelred II, ordonne dans le même esprit trois jours de pénitence et l’invocation de saint Michel pour contrer une expédition navale danoise sur son territoire. 

Après la bataille d’Hastings, en 1066, les dévotions entourant l’archange prendront l’aspect de fêtes, organisées en marge de foires baptisées les Michaelmas. Dont la plus célèbre est sans conteste celle de Nottingham. Y est associée une tradition gastronomique typique. Les repas doivent ce jour-là comporter un plat d’oie au four, promesse de prospérité, et, surtout, un pain frit (le Saint Michael bannock) et un dessert à base d’avoine (le Dragon bread).

À LIRE AUSSI Les trésors de la bibliothèque médiévale du Mont-Saint-MichelÀ quelle date le rocher de Marazion se transforme-t-il en sanctuaire michaélique ? Une légende cornique raconte que des pêcheurs auraient vu saint Michel chevaucher ce rocher de granite au Ve siècle. Mais cette histoire est plus que douteuse. C’est plus probablement au XIe siècle que le sanctuaire commence à se développer, c’est-à-dire au moment où le Mont-Saint-Michel français accueille lui-même son abbatiale. À partir de cette date, l’histoire des lieux se superpose à celle du Mont normand.

Une forteresse mythique

Les analogies sont évidentes. À commencer par la topographie et le phénomène des marées. On raconte que Robert de Mortain (1031-1095), demi-frère du roi d’Angleterre Guillaume le Conquérant, aurait cédé le lieu à l’abbaye du Mont-Saint-Michel, en Normandie, pour y fait construire un monastère bénédictin. Rien n’est moins sûr. « Malgré les tentatives maladroites d’antidater la cession de Saint Michael’s Mount au Mont-Saint-Michel à l’époque d’Édouard le Confesseur, l’influence du sanctuaire normand sur son jumeau anglais a cependant été importante », expose Ada Campione, professeure à l’université Aldo-Moro à Bari. 

En 1135, le Saint Michael’s Mount accueille ainsi un prieur et douze moines provenant de Normandie. Sous leur influence, la presqu’île va devenir un lieu de pèlerinage couru. Un château et une église y sont édifiés au XIVe siècle. Les bénédictins vont y demeurer jusqu’en 1415, avant de céder la place à une congrégation anglaise. Mais, en raison de la Réforme anglicane, ce deuxième monastère sera fermé en 1539 par le roi Henry VIII.

À LIRE AUSSI Notre dossier spécial sur le Mont-Saint-MichelL’armée investira alors les lieux. Et l’île deviendra une forteresse. Les habitants actuels du site sont de lointains descendants de l’ancien gouverneur de l’île, le colonel John St Aubyn (1610-1684). L’île n’est plus la propriété de la famille depuis 1954, mais ses armoiries continuent d’orner le porche Tudor du château qui domine la baie. Parmi les nombreux touristes qui visitent les lieux chaque année figurent de très nombreux pèlerins. Si le culte des saints n’a théoriquement pas cours dans la religion anglicane, les pasteurs considèrent que l’archange n’a jamais été officiellement canonisé par l’Église catholique. Les dévotions qui l’entourent restent donc tolérées au Royaume-Uni, malgré le schisme.  

St Michael’s Mount, Marazion, près de Penzance (Cornouailles), TR17 0EF, Angleterre. www.stmichaelsmount.co.uk


La mission de montsaintmichel.net est de rassembler en ligne des journaux autour de Mont Saint Michel pour ensuite les présenter en tâchant de répondre du mieux possible aux interrogations du public. Ce post a été prélevé d’internet par l’équipe de montsaintmichel.net du seul fait qu’il se présentait dans les colonnes d’un média consacré au thème « Mont Saint Michel ». Cette chronique est reproduite du mieux possible. Vous avez l’opportunité d’utiliser les coordonnées inscrites sur le site pour indiquer des précisions sur ce contenu sur le thème « Mont Saint Michel ». Il y a de prévu plusieurs travaux sur le sujet « Mont Saint Michel » bientôt, nous vous invitons à naviguer sur notre site web aussi souvent que possible.